mercredi 25 février 2009

One night only



3h du matin.


Paris est mort, enseveli, corrompu par un sommeil dûment mérité.

Mais lui ne dormait point, il tournait et se retournait inlassablement dans son lit, s’énervant contre lui-même. Il est vrai qu’il devait se lever dans quelques heures à peine. Le soleil, taquin, lui annoncerait comme à son habitude le signal du départ.


A bout de forces, tel un soldat rendant les dernières armes, il pensait à Elle.

Sombre démon de ses rêves, Elle le hantait la nuit, le poursuivait le jour, le tenait malicieusement éveillé, s’amusant de son désarroi.

Il se remit sur le dos, fixant le plafond ombrageux. Celui-ci ne lui renvoyait que l’image de son propre désir.


Il avait envie d’Elle. Désespérément envie. Un mélange de colère et de frustration s’amoncelaient au fil des jours dans son âme depuis cette nuit où il l’avait tenu dans ses bras.

Cette seule et unique nuit avait été si courte qu’il n’était même plus certain par moments de l’avoir réellement vécu.


L’image fugace d’une silhouette fine et élancée enjambant plusieurs câbles sur le plateau.

Ses ratures brouillonnes sur sa feuille de papier. Une répétition banale avant le direct du soir.

« Ce serait mieux si tu enchainais directement avec la blague sur Sarkozy ». Plusieurs surligneurs s’élevèrent en symphonie pour fendre l’air autour de lui.

Elle discutait avec une des régisseuses. Il ne l’entendait pas mais à son expression, Elle semblait rire de plein cœur à une plaisanterie. Son sourire le transperça.

«Donc tu passes direct la parole à François Hollande ensuite. Bon on est OK, pause pour tout le monde ! »

Il se leva en même temps que les autres, rassemblant maladroitement ses textes. Une des feuilles vint s’échouer sur le sol. Il la ramassa négligemment. Elle le fixait d’un air curieux à l’autre bout de la salle.

Ils se contemplèrent ainsi quelques instants. Quelques secondes ? Quelques minutes ? Quelques vies ? Il n’en savait rien, une personne venant lui réclamer une requête.


Il rejoignit la table sur laquelle se dressait le drink réservé au staff et aux invités et échangea à la hâte quelques mots avec un collègue avant de la retrouver du regard. Elle. Cette syphilide à la longue crinière blonde ondulée, vêtue de hauts talons vernis, de bas probablement en soie et d’une robe noire dénudant une de ses épaules. Telle une étoffe que l’on aurait placée à la hâte sur son corps, elle lui allait à merveille, épousant généreusement ses formes sensuelles.


Elle continuait de le regarder, la bouche légèrement entrouverte. Il s’approcha alors.

Il ne se souvenait plus de ce qu’il lui avait dit. Ni de ce qu’Elle avait répondu. Il se souvenait vaguement qu’Elle avait prononcé dans un souffle « fille de X ». Sa mémoire avait littéralement crucifié l’image de son visage, de son sourire au détriment du reste. Quelques flashs lui revenaient en rafales.


Sa main innocemment glissée dans ses cheveux.

Sa langue humidifiant candidement ses lèvres.

Ses dents mordillant le gobelet en plastique qu’Elle tenait entre ses doigts.

Ses yeux intenses le pénétrant.

Son souffle dans son cou alors qu’elle se mettait sur la pointe des pieds pour lui murmurer un secret à l’oreille.

Sa voix sucrée.


Le reste était assez vague ; il avait rapidement fait sa chronique quotidienne avant de s’éclipser. Prendre son manteau, claquer la bise aux quelques habitués, rire d’une blague potache avec le gardien du parking, rejoindre sa voiture.

Elle l’attendait sagement appuyée contre le poteau. Ils n’échangèrent aucun mot.

Il roulait comme un robot vers son domicile. Ah qu’il aurait voulu lancer quelques phrases subtiles et éloquentes pour la surprendre ! Mais rien ne sortit. Il restait infiniment muet comme s’il avait soudain fait un bond en arrière et était à nouveau un adolescent gauche cherchant ses marques.

Le silence ne paraissait pas la déranger outre mesure. Ils savaient tout deux pourquoi ils étaient là.


Son réveil, accessoire obsolète par cette nuit d’insomnie, le sortit brusquement de sa torpeur. Répétant les mêmes gestes, il se rasa, prit une douche rapide en s’accoudant à la paroi, s’habilla d’une chemise, d’un jean et d’un léger pull, ignora son frigo regorgeant de nourriture et se servit trois tasses de café noir.


Ses lèvres douces.

Ses cheveux parfumés.

Son corps glissant sous ses doigts.

Son sourire.

Ses gémissements.

Ses doigts froissant très fort les draps.

Son corps dansant sous ses assauts.

Ce thé prit ici dans cette cuisine au milieu de la nuit.

Ses rêves de jeune fille.

Son regard passionné.

Son orgasme.

Elle.


Une longue journée de travail et souffrance commençait dans la crainte et l’espoir qu’elle réapparaisse. Il était certain de ne pas l’avoir rêvé. Elle lui reviendrait.


Un jour…


Bientôt.


[To Y.]

lundi 23 février 2009

J'ai testé... la rue d'Aerschot


Une longue rue sinistre et froide s'exposant vulgairement face à la Gare du Nord.
Des vitrines.
Des dizaines de vitrines sombres, éclairées par quelques faibles néons roses ou bleus.

Messieurs et... messieurs, bienvenue dans "l'eldorado du sexe" !


La rue d'Aerschot est une des rues (voire la plus) connue de Bruxelles. Triste réputation qu'elle traîne derrière ses guenilles.
Ou plutôt devrais- je dire : string, robes "pousse-au-crime", talons hauts et bas usés...

Ici on fait son marché comme on achète ses légumes : des fruits fermes, juteux, pas trop mûrs pour mieux apprécier la saveur... sauf qu'ici ce ne sont pas des aliments que l'on jauge et compare mais bien des femmes.
Des femmes de toutes ethnies, des jeunes, des moins jeunes, des belles, des moches...

Les hommes circulent, passant et repassant, seuls ou à plusieurs. Les voitures défilent lentement. On regarde les prix : y'a t-il moins cher à côté ? pour quelle "qualité" ?

Environ 40€.
C'est le prix pour "la totale".
Le prix pour prendre du plaisir avec une femme. Mais est-ce vraiment prendre du plaisir ? J'appellerais plutôt cela "défouloir" ou "endroit pour se soulager".
15 à 20min par client. Rapide, efficace (?), satisfaisant à court terme. Ici n'est pas affiché la grandeur de l'homme mais ses instincts primaires.

L'atmosphère est lourde, pesante. Les rares femmes qui passent devant les vitrines baissent les yeux. Ont elles honte de ces femmes ou pitié ? C'est malheureusement les deux seules idées qui viennent en premier à l'esprit.

Les prostituées ont le regard vide. Elles minaudent assises sur leurs petits tabourets en bois rongés par les mites. Ou fument. Probablement boivent et/ou se droguent dans l'intimité. Elles attendent, aguichent en se déhanchant légèrement, sourient aux hommes.
Ces hommes... Leurs gagne pain.
Parfois ce sont des hommes bien habillés, en costume cravate, trompant la routine de leur vie dans les bras éphémères d'une femme de joie.
Tout va très vite. On choisit. On rentre dans l'immeuble vétuste à l'hygiène certainement discutable. Un petit baiser sur la joue en souriant. Quelques vagues mots échangés ; on ne tourne pas autour du pot, on est là pour le faire. Et l'hôtesse entraîne alors le client à sa suite dans une salle aménagée pour.

On pourrait longuement polémiquer... Pourquoi sont elles là ? Sont elles toutes des émigrées ? Comment vivent elle ? Peuvent elles vraiment arrêter ? Que font elles lorsqu'elles ne travaillent pas ?
L'histoire des prostituées... Fantasme et "tabou" de tout temps, qui ont inspirées de nombreux cinéastes et romanciers, chacun y allant de sa propre vision ou vécu.

Il n'y a pas de raison de s'interroger sur le bien fondé (ou non) de leur profession, il y en a. C'est tout.
Elles permettent aux plus impétueux des hommes solitaires (ça c'est encore une autre question) de faire ce qu'ils ont à faire, évitant peut-être ainsi des cas de viol.

La commune ferme les yeux, le sexe est toléré ici à l'inverse de la France qui réprimande vivement les cas de racolage et de maisons closes.
"Gouvernement" (entre guillemets) laxiste ? Popularité des lieux ? Hyper modernisation ?
Nos chers voisins en tireraient ils profit ? La réponse est sûrement : oui, un peu de tout cela.

Je sais juste que ces femmes, ça pourrait être ma petite soeur, ma meilleure amie, moi. Et c'est le coeur serré que je retourne alors vers mon doux univers immaculée de paillettes, abandonnant derrière moi, la triste réalité...